Auteur : ITO Shiori
Traduction : Jean-Christophe Helary, Aline Koza
Titre original : Black Box
Éditeur : Philippe Picquier
Parution japonaise : 2017
Parution française : 4 avril 2019
ISBN : 978-2-8097-1418-0
Prix : 19,50€
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La quatrième :
Au Japon, porter plainte pour viol est synonyme pour les femmes de véritable suicide social. Une femme a pourtant pris le risque de parler à visage découvert.
En 2015, Ito Shiori a 26 ans, elle est journaliste. Un soir, elle rejoint N. Yamaguchi – directeur dans une grande chaîne de télévision et proche du Premier ministre – au restaurant pour parler affaires. Quelques heures plus tard, elle reprend conscience dans une chambre d’hôtel, en train de se faire violer.
Confrontée à la mauvaise volonté des pouvoirs publics et au silence des médias, Shiori mènera seule l’enquête sur sa propre affaire. A ce jour, elle n’a toujours pas obtenu justice.
Le livre que vous avez entre les mains est son histoire, sa voix, et surtout son combat pour faire changer le regard que porte la société japonaise sur les victimes d’agressions sexuelles.
Mon avis :
Shiori Ito est une journaliste et réalisatrice de reportages, particulièrement sur les droits de l’homme ou les conditions de vie humaine. Ce livre est son premier et est paru en français aux éditions Picquier.
Cet ouvrage autobiographique relate le combat de l’autrice contre l’injustice et le silence qui entoure les crimes sexuels au Japon. Victime d’un viol par un proche du gouvernement en place, elle raconte comment elle a été dupée par l’homme, l’absence de réaction de la police et de la justice censées l’aider, dénonce les protections que s’offrent les puissants entre eux, l’acharnement des médias à faire porter le chapeau à la victime, comme c’est souvent le cas non seulement au Japon mais un peu partout dans le monde.
Le titre vient du fait que tout se soit déroulé dans une chambre d’hôtel sans aucun témoin ou enregistrement, donc une boîte noire qui ne laisse rien transparaître aux yeux de la justice.
Ce livre est composé de 8 parties, le début, trois chapitres, relate tout ce qu’a vécu la journaliste, puis suivra son enquête, ponctuée ici et là de chapitres concernant, par exemple, les statistiques dans le monde.
Son but n’est pas de seulement témoigner de son agression– le procès est clos et l’affaire classée pour le moment, mais son récit, marqué par sa volonté de transmettre, veut sensibiliser les lecteurs sur ce que traversent les victimes et le manque d’évolution des lois.
En effet, cet ouvrage raconte l’enquête journalistique que Shiori Ito a dû mener seule, avec néanmoins le soutien de quelques journalistes et de policiers, pour découvrir pourquoi justice n’a jamais été rendue. Mais aussi de faire changer la loi japonaise, loi qui est âgée de 110 ans, sur les cas de viols ainsi, qu’apporter un soutien aux gens qui ont subi ce type de violence. Dans l’archipel, les crimes sexuels sont tabous et peu de victimes sont écoutées, prises en considération : en effet, on aura tendance plutôt à considérer qu’elle s’est mise elle-même dans le pétrin et qu’elle est responsable (comme une femme japonaise m’avait raconté la logique en place : S’il a pu entrer chez vous, c’est que vous étiez d’accord, si vous êtes allée chez lui, c’est que vous êtes d’accord). Un épais silence les entoure et Shiori Ito tente de le dissiper à travers cet ouvrage.
A travers ce récit, c’est non seulement un témoignage mais aussi une invitation à rompre le silence pour les victimes, et une invitation pour le lecteur à se sensibiliser sur un sujet encore trop tabou dans notre société. Ces crimes qui détruisent des centaines de vies chaque jour sont trop peu médiatisés et passé sous silence, et les criminels trop peu jugés.
L’auteur nous fait découvrir toute l’horreur qu’elle a vécu, et c’est surtout l’après qui est marquant. Que ce soit au travers du regard de la société, que ce soit au Japon ou aux États-unis, comme elle le raconte avec le témoignage d’un père qui a vu sa fille se suicider après avoir subit un viol. Ces conséquences très dures sont une réalité, exacerbées par le manque de sanction rendues par la justice, que ce soit dans son cas par un classement en non-lieu, ou par les témoignages rapportés, et le manque de fermeté dans les peines prononcées.
Dans une société extrêmement patriarcale comme au Japon, le viol et les témoignages sont très peu écoutés car on pointera souvent du doigt la victime en l’accusant de s’être mis dans cette situation. Shiori Ito explique ceci que la sidération place parfois de jeunes filles en situation de faiblesse et, ne sachant quoi faire, se retrouve abusées par des proches : elle rapporte ce cas d’une jeune sportive qui s’est retrouvée enfermée avec son coach, lequel usant de sa position, a profité d’elle.
Dans la postface sont décrits deux évènements marquants de la vie de la journaliste : des attouchements qu’elle a subi enfant dans une piscine publique alors qu’elle portait un bikini, (un homme l’avait attrapé et touchée alors qu’elle n’était qu’une enfant). Une amie proche de sa mère lui dira alors que son maillot était trop mignon. Mais aussi dans les transports en commun durant l’adolescence. Ces délits qui se banalisent sont aussi la preuve que ce genre de crime est de plus en plus mise en lumière et la lecture de l’ouvrage peut faire prendre conscience que normaliser ceci ne devrait jamais être une possibilité.
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